Rose-Brun et Orange
Derrire le masque dmocratique de l'opposition vnzulienne
La premire fois que j'ai fait des spaghettis bolognaises, c'tait en 2000, des amis yougoslaves. J'avais une recette que m'avait donn un ami cuisinier de Washington, clbre pour avoir ouvert un trs bon restaurant italien Managua dans les annes 80. Je l'ai suivi la lettre. Faire bouillir les tomates et les peler, les faire revenir avec des oignons, de l'ail, du cleri et y incorporer de petites boulettes de viandes pralablement confectionnes avec diverses herbes et pices. J'ai vers la sauce sur mes spaghettis. Mes amis yougoslaves ont trouv a trs bon car les boulettes de viandes leur rappelaient un plat de leur pays. En 2004, des amis ukrainiens vinrent la maison. Ils me laissrent entendre qu'ils avaient eut vent de ma recette et que cela les intriguait car ils ne pouvaient croire qu'un simple plat de ptes put tre si bon. Je fus pris de panique. Et si ils n'aimaient pas ? J'ai tlphon mon ami de Washington qui m'a tout de suite rassur : "ne t'inquites pas, ils te disent a parce que les ptes en Ukraine sont de mauvaise qualit. Fais leur des ptes fraches et tu verras qu'ils adoreront." J'ai suivi la recette de la sauce la lettre. Pour les ptes, j'ai mlang de la farine, des jaunes d'uf, de l'eau et fait une pte bien lisse partir de laquelle j'ai labor des tagliatelles fraches. Mes amis ukrainiens furent merveills et m'ont mme demand la recette.
Le dimanche 3 dcembre 2006, j'ai invit des amis vnzuliens dner. Un couple d'origine italienne, de Bologne !!! Des spcialistes de la gastronomie de la pninsule ! De quoi vais-je avoir l'air avec mes vulgaires ptes ? Pour tre sr de ma russite, j'ai appel mon ami amricain.
Les "Rvolutions de Washington".
Apres la seconde guerre mondiale, la CIA, pour lutter contre les gouvernements gnants, organisait et finanait des coup d'Etat violent pour installer au pouvoir un proche des Etats-Unis, gnralement un militaire (Coup d'Etat contre Mossadegh, Arbenz, Allende,). Les annes qui suivaient ce coup d'Etat furent entaches de la mort ou l'emprisonnement de nombreux opposants. Les multiples atteintes aux droits de l'homme ternissaient durement l'image de ces dictatures aux yeux de l'opinion internationale, qui ne manquait pas de questionner la lgitimit de leur prise de pouvoir. La CIA qui tait l'origine de ces rgimes sanglants ne manquait pas de souffrir de leurs exactions. Lorsque certains faits de la CIA furent avrs, l'opinion publique mondiale accentua son opinion ngative de l'agence tasunienne. Le contribuable amricain aussi qui ne comprenait pas forcement pourquoi l'horreur vcue alors dans de nombreux pays devait tre financ par ses impts. La CIA allait donc cre des agences crans pour financer et entraner des organisations amies situes dans les pays qui reprsentent une menace pour les intrts nord amricains.
Au centre de ces agences crans figurent notamment l'Agence Etasunienne pour le Dveloppement International (USAID) et le Fond National pour la Dmocratie (NED). Financs par le Congrs tasunien ces paravents de la CIA vont continuer le travail de dstabilisation qui revenait jusqu'alors l'Agence Central d'Intelligence.
"Cr par Reagan en 1984, le NED devint le principal porteur de valises de la CIA. Acheminant les dollars des grandes campagnes de renversement des gouvernements gnants Contre la petite le de Grenade (envahie en 1986), contre la Pologne (en finanant notamment le syndicaliste Walesa), contre la Chine Et particulirement contre le Nicaragua sandiniste" (1)
La NED finance, avec l'argent du contribuable tasunien, des organisations dans pas moins de 77 pays, y compris bien sr des pays "amis" de l'empire tasunien (2) . On la retrouvera, entre autre, en Yougoslavie, en Georgie, au Kazakhstan, en Ukraine o elle financera les Organisations (Non) Gouvernementales qui organiseront les coups d'Etat contre les gouvernements en place dans ces pays. (3) Comme le remarque un de ses architectes, Allen Weinstein, "une grande partie de ce que nous faisons aujourd'hui avec la NED le faisait la CIA de manire clandestine il y a 25 ans." (4)
En Georgie o la NED finanait entre autre l'organisation kmara, la "Rvolution des Roses" a trouv son point de dpart dans la contestation des lections lgislatives. "Cette contestation spontane repose sur deux lments : d'une part la composition des listes lectorales, qui auraient t falsifie, et d'autre part les sondages effectus la sortie des urnes, qui donneraient des rsultats diffrents des chiffres officiels." (5) En Ukraine, les rsultats du second tour de l'lection prsidentielle indiqurent une courte victoire pour Ianoukovitch (49,42 % contre 46,69 % pour son rival Iouchtchenko). Ces rsultats ne concordaient en rien avec les "enqutes" raliss durant la campagne et les "sondages" la sortie des urnes qui indiquaient une nette avance de Iouchtchenko. On connat la suite, des manifestations "spontanes" (en fait organises par le mouvement Pora, financ par la NED) ont entran l'laboration d'un troisime tour qu'a remport le favori de Washington. Comme nous allons le voir, les pays de l'Europe de l'est sont dcidment bien proches des Carabes
Si la NED, et l'USAID, s'occupent de financer et d'organiser les partis, syndicats, organisations qui s'opposent au gouvernement que Washington souhaite renverser, l'aspect politique et stratgique est encadr par une autre institution lie la CIA.
L'Albert Einstein Institution (AEI) fut fond au dbut des annes 80 par un certain Gene Scharp pour laborer des stratgies non-violentes destines lutter contre des rgimes dictatoriaux. L'Albert Einstein Institution travaillera troitement, dans les annes 80, avec de nombreux mouvements anti-communistes. "Ralisant le potentiel de l'Albert Einstein Institution, la CIA y dlgue un spcialiste de l'action clandestine, le colonel Robert Helvey, alors doyen de l'Ecole de formation des attachs militaires d'ambassades." (6) Aujourd'hui, le colonel Helvey est le prsident de l'Albert Einstein Fondation.
L'AEI formera ses mthodes de Coup d'Etat non-violent les mouvements d'opposition aux gouvernements qui ne s'alignent pas sur Washington, selon les prceptes labors par Gene Scharp et Robert Helvey.
Le livre le plus clbre de Gene Scharp s'intitule "From dictatorship to democracy" (7) . A la fin de cet ouvrage de dstabilisation, un manuel rsume en 198 points les lignes d'action que les mouvements doivent suivre pour faire tomber un gouvernement.
Il est intressant de constater que le livre est traduit en vingt langues : en arabe, en bilorusse, en birman, en Jing-paw, chin, karen (trois langues de Birmanie), en mandarin simplifi ET traditionnel, en anglais, en farsi, en indonsien, en khmer, en kirghiz, en russe, en serbe, en espagnol, en ukrainien, en tibtain, et en vietnamien. (8) Si l'autoproclam universitaire Gene Scharp cherchait se faire connatre, il n'aurait certainement pas nglig une traduction en franais et en portugais. De mme, s'il cherchait une reconnaissance universitaire, il aurait pu mettre profit son rseau de traducteur pour laborer le livre en allemand. Comme on peut le voir, Gene Scharp ne cherche pas tre connu ; mthode bien curieuse pour un auteur qui est cens vivre de ses crits. Les diffrentes traductions du livre du fondateur de l'AEI correspondent curieusement aux idiomes parls dans les pays qui se trouvent dans la ligne de mire de Washington.
Si Gene Scharp reste inconnu du grand public, il ne l'est pas en revanche dans les pays qui ont connus une "Rvolution orange". L'AIE a form ses techniques le mouvement tudiant yougoslave Otpor, qui joua un rle cl dans le renversement de Slobodan Milosevic. Face ce succs, l'AIE rcidiva en Georgie (avec le mouvement kmara), en Ukraine (avec Pora), en Bilorussie (avec Zoubr), et au Zimbabwe (avec Sokawanele). Ces diffrends groupes se forgent un appui dans la rue, partir des mcontentements dus la contestation des rsultats lectoraux. Leur cible privilgie : les jeunes, qu'ils attirent avec des discours faussement rebelles et des concerts de rock avec boissons alcoolises gratuites. Ces groupes n'ont aucun programme politique cohrent. Ils ne trouvent leur force que dans la mobilisation et l'organisation des coups d'Etat. En Ukraine, "le mouvement tudiant Pora, qui a fourni la rvolution orange ses fantassins , na remport que 1,47 % des voix. Son leader M. Vladislav Kaskiv (...) concde galement que Pora sest plus proccup de relations publiques pour se crer une image que de se donner des structures de parti ." (9)
Comme on peut le voir, les "Rvolutions de Washington" suivent le mme modle, la mme logistique, les mmes financements. Qu'en est-il au Venezuela ?
Le Venezuela dans les "ptes" de Washington.
Avant-hier, mon ami amricain m'a appel pour prendre de mes nouvelles. Il semblait un peu inquiet. Au sujet de mon prochain dner, il m'a juste dit : "Suis ma recette la lettre, et n'oublies pas de bien mlanger la sauce. Il ne faut pas qu'elle colle la casserole".
L'avocate Eva Golinger analyse dans son ouvrage Code Chavez-CIA contre Venezuela (10) l'ingrence des Etats-Unis dans la politique vnzulienne. Elle montre notamment que la NED et l'USAID ont dpens plus de 30 millions de dollars entre 2001 et 2004 inclus pour financer des groupes d'opposition recruts dans tous les secteurs de l'activit sociale. Son nouvel ouvrage rvle une inquitante pntration des associations finances par la NED en 2005 dans les milieux populaires acquis Chavez. (11) Parmi les oprations de dstabilisation oprs par ces diffrends groupes on compte une tentative de coup d'Etat, un sabotage conomique qui a ruin le pays au dbut 2003, et l'organisation du referendum rvocatoire contre le prsident Hugo Chavez.
Celui-ci fut organis par une organisation "non" gouvernementale, Smate. C'est en ralit l'organisation qui bnficie du plus important financement du le Congrs tasunien au Venezuela via la NED. L'objectif de Smate tait de se constituer en un Conseil National Electoral parallle. L'organisation mit de nombreuses critiques sur le registre lectoral tentant mme d'y substituer sa propre base de donnes. S'appuyant sur l'article 72 de la constitution bolivarienne (12) , elle convoqua une collecte de signatures alors que normalement ce rle revient au Conseil National Electoral (CNE). Dans la journe du 15 aot, l'entreprise de sondage Penn, Schoen & Burland qui travaillait avec Smate envoya de nombreux media internationaux un communiqu montrant le rsultat de son sondage la sortie des urnes qui donnait l'opposition gagnante avec 60% des voix. (13)
Il n'y a aucune concidence avec les coups d'Etat d'Europe de l'est. Smate tait charg d'organiser la croyance d'une prtendue fraude qui serait le dclic d'un nouveau coup d'Etat.
Une concentration d'opposants, trop faible pour tenter quoique ce soit, eut tout de mme lieu, accompagne de faits de violence. Bref, la Rvolution Orange n'a pas pu se drouler en ce mois d'aot 2004.
L'Albert Einstein Institution travaille aussi au Venezuela. Comme le souligne son rapport d'activit 2000-2004 (14) , "en avril 2003, une consultation de 9 jours a t dirig par Robert Helvey et Chris Miller Caracas pour des membres de l'opposition dmocratique vnzulienne. L'objectif de cette consultation tait de leur donner la capacit de dvelopper une stratgie non-violente pour restaurer la dmocratie au Venezuela."
L'objectif est de forcer le gouvernement adopter une attitude rpressive face aux techniques de l'AEI, ce qui, au prisme mdiatique international, l'aurait transform en un rgime rpressif.
Du 27 fvrier 2004 au 1er mars 2004, les enseignements de l'AEI furent expriments. A la tte de ces manifestations, un cubano-venezuelien Robert Alonso. Autre chec. Ne tenant pas compte de l'aspect "non-violent" de Gene Scharp, le mme Robert Alonso accueillera, en mai 2004, une centaine de paramilitaires colombiens dans sa proprit de Caracas. Leur but : tuer Chavez et des hauts responsables du gouvernement. Robert Alonso vit depuis en exil Miami.
L'ingrence tasunienne pour abattre la Rvolution Bolivarienne n'a en rien baiss. Au contraire, l'lection du 3 dcembre prochain sera l'occasion d'une nouvelle tentative de dstabilisation. La stratgie rpond aux techniques de Washington pour organiser des coups d'Etat "non-violents".
Position ambigu sur le Conseil National Electoral.
Le 4 dcembre 2005, l'opposition au gouvernement d'Hugo Chavez boycotta les lections lgislatives, au parlement andin et au parlement latino-amricain. Ce boycott fut organis pour en tirer plusieurs avantages. Les partis d'opposition vitrent ainsi la banqueroute lectorale que leur promettaient tous les sondages. Avec la complicit de certains media internationaux, il tentrent de faire passer le Venezuela pour une dictature contrle par une seule tendance politique, et surtout ils essayrent d'imposer leur lecture de l'ouragan lectoral rvolutionnaire, savoir que la forte abstention tait l'expression d'une dfiance des vnzuliens envers le systme lectoral. Cette version a eut du mal s'imposer au niveau national comme au niveau international. (15) . Cette stratgie de discrditation du Conseil National Electoral (CNE) n'a pas port ses fruits. Il est vrai qu'il tait difficile de faire passer le CNE pour une instance du "pouvoir totalitaire chaviste" dans le mme temps o la mission d'observation de l'Union Europenne reconnaissait que "dans la grande majorit des cas, les observateurs de l'Union Europenne ont eus accs aux informations qu'ils demandaient. Tous les observateurs ont constat que tous les prparatifs logistiques avaient t raliss et qu'il n'y avait aucun empchement de ce type pour raliser les lections avec succs. Au contraire le CNE tait bien prpar. () Le systme de vote vnzulien a des caractristiques parmi les plus avances qui remplissent les standards internationaux de vote lectronique. Sous certains aspects, comme par exemple pour son audit des bulletins de papier, le systme dvelopp au Venezuela est probablement le systme le plus perfectionn du monde actuellement." (16)
Comme il parait stupide (et contre productif) de dnoncer une convergence rvolutionnaire entre l'Union Europenne et la Rpublique Bolivarienne du Venezuela, les partis d'opposition ont continu dnonc la "partialit" du CNE.
En vue de l'lection prsidentielle du 3 dcembre 2006, des critiques furent mises quant la validit du registre lectoral, comme dans les pays d'Europe de l'est. Afin de s'assurer qu'il ny avait ni morts, ni doublons, le CNE publia dans les journaux la liste de tous les vnzuliens de plus de 80 ans en demandant aux familles de vrifier et de signaler si apparaissait le nom d'un parent mort afin de l'liminer du registre lectoral et s'assurer ainsi que personne n'ira voter en empruntant son identit.
Durant le mois de juillet 2006, l'O(N)G Smate, finance par la NED, commena organiser des lections primaires pour dterminer un candidat d'union de l'opposition aux lections prsidentielles du 3 dcembre. Il est important de noter que l'association Via Civica, finance par la mme NED, avait t l'origine de la Coordination Dmocratique du Nicaragua et de la candidature unique de Violeta Chamorro pour les lections nicaraguayennes de 1990. Les lections d'alors intervenaient aprs un boycott des lections lgislatives de 1984 par l'opposition au sandinisme
Plusieurs runions des postulants la candidature unique furent organises avec Smate. Au final, le vote qui devait se drouler le 13 aot n'a pas eu lieu, et les trois candidats les plus en vue se mirent d'accord pour dsigner Manuel Rosales comme candidat unitaire de l'opposition. Aprs quelques semaines de tergiversations et d'accords, les autres postulants se rallirent cette candidature.
Faut-il y voir un chec de Smate? Rien n'est moins sr. Le patronage d'une O(N)G finance par le congrs tasunien et dont la prsidente fut reu le 31 mai 2005 comme un chef d'Etat par le prsident Bush (17) est un cadeau pour Chavez, qui n'aurait pas manqu de dnoncer la collusion. Par un choix apparemment indpendant, le candidat dsign, Manuel Rosales cartait cette possibilit. Toujours est-il qu' partir des runions de l'opposition avec Smate, le comportement de l'opposition face au CNE va se modifier.
Le 20 aot 2006, "les techniciens de l'opposition qui participrent la rvision complte du registre lectoral ont conclut que celui-ci pouvait tre utilis pour les lections prsidentielles du 3 dcembre" (18) . Les critiques pralablement faites sur le registre lectoral s'estomprent subitement. Mais subsistait encore la critique faite durant les lections parlementaires du 4 dcembre 2005 sur le systme d'empruntes digitales.
Pour viter qu'une personne ne vote plusieurs fois, le CNE a recours a un systme d'identification par les empruntes digitales en plus de la prsentation d'une pice d'identit. Lors des lections parlementaires du 4 dcembre 2005, l'opposition avait demand le retrait de ces machines au prtexte qu'elle violait le secret du vote. (19) Le 13 aot 2006, dans le journal Ultimas Noticias, la journaliste Celina Carquez demandait Vicente Diaz un des cinq recteurs du CNE et Prsident de la commission de Participation Electoral et Finance du pouvoir lectoral : "Convenons d'une chose. Le systme d'empruntes digitales ne viole pas le secret du vote. Donc pourquoi ne pas les utiliser ?" se rfrant ainsi aux dclarations prcdentes de l'opposition. La rponse de Vicente Diaz fut tonnante. Il dclart : "Les gens agissent sur la base de croyances, et un secteur de la population pense que ces machines mettent en pril le secret du vote et agit en consquence. Il s'abstiendra de voter. L'unique rsultat de ces machines est de faire augmenter l'abstention." (20) Cette position sera dsormais la rengaine de l'opposition : retirer les machines parce qu'elle "ne servent rien, sinon faire augmenter l'abstention". Faisons fi de "l'impartialit" du recteur Diaz pour examiner l'volution de l'opposition face ces machines. En octobre-novembre 2005, les partis d'opposition lancent une campagne politico-mdiatique pour faire croire que les capteurs d'empruntes violent le secret du vote. Moins d'un an plus tard, et l'exception d'Action Dmocratique, ces mmes partis conviendront que le secret du vote est protg et se plaignent que leurs lecteurs ont peur d'exercer leur droit de vote en raison d'une croyance qu'ils ont eux mme construite. Chacun jugera du mpris que ces partis ont pour leurs lecteurs dans leur qute du Pouvoir.
Cependant au dbut de la campagne prsidentielle, fin aot, l'opposition semble avoir "accept" le CNE et parait prte livrer bataille proprement sur le champ dmocratique. Qu'indique ce retournement ? Un changement de stratgie.
"Du poivre, m'a dit mon ami amricain, rajoute du poivre"
La valse des enqutes.
Le 19 septembre, alors que tous les sondages donnaient jusqu' lors, un cart confortable de 35% 40% pour le candidat Chavez sur son principal rival de l'opposition (21) , l'entreprise de sondage Penn, Schoen and Berland publia des rsultats annonant 50% pour Chavez, 37% pour Rosales. La monte en flche de Rosales fut commente en boucle dans les media commerciaux.
La Penn, Schoen and Berland est une firme de sondage qui compte parmi ses clients principaux Disney, Mac Donald, Microsoft, NBC, Nike, Texaco, American Express, Bill Clinton, Hillary Clinton, Ehud Olmert, Tony Blair, Silvio Berlusconi, Michael Bloomberg comme le note leur site internet. Durant l'intervention contre le Panama en 1989, cette entreprise a produit des sondages lgitimant la guerre contre le petit pays d'Amrique Centrale. On la retrouvera quelques mois plus tard au Nicaragua engag dans les lections que les sandinistes perdront. Elle ralisa et publia des enqutes en Yougoslavie en 2000 et en Ukraine en 2004, participant par l au renversement de Milosevic et la "Rvolution" Orange.
Peu avant le rfrendum rvocatoire contre le prsident Chavez en aot 2004, Penn, Schoen and Berland mettait les rsultats suivants : 49% pour le Non (au dpart de Chavez), 51% pour le Oui. Le 15 aot 2004, dans l'aprs midi (alors que les vnzuliens allaient vot jusqu' minuit), Penn, Schoen and Berland publiera un "rsultat la sortie des urnes" faisant tat de 60% pour le Oui, 40% pour le Non. Ce rsultat sera exploit par Smate et certains partis d'opposition pour contester le rsultat final, approuv par les observateurs internationaux qui donnait Chavez gagnant avec 59,1% des voix.
L'enqute de Penn, Schoen and Berland va ouvrir la voie une srie de publications de sondages rvlant la hausse exponentielle du candidat Manuel Rosales. Le 11 octobre 2006, l'entreprise Keller and asociated situera les deux candidats dans un mouchoir de poche. Cette mme entreprise allant jusqu' publier une autre enqute montrant la nette avance de Rosales avec 57% des voix contre 32% Hugo Chavez. Ce type de sondages s'intensifiera au fur et mesure qu'approche l'lection prsidentielle.
Le 10 novembre, le parti de Rosales, Un Nuevo Tiempo, publie sous forme de publicit dans le journal El Mundo une enqute de la firme Eugenio Escuela datant du 4 novembre. Le rsultat est sans appel Chavez 46%-Rosales 48% des voix exprimes (22) . Le 15 novembre, une publicit non signe est publie en pleine page de Ultimas Noticias. Elle montre les rsultats d'un sondage de l'entreprise Survey Fast qui donne Chavez vainqueur avec 48.1%, mais talonn par Rosales avec 47.7%. Cette publicit est apparemment anonyme. Or si la loi vnzulienne n'oblige pas publier le nom de l'acheteur de la publicit, en revanche l'apparition du numro d'enregistrement aux impts de l'organisation qui finance la publicit est obligatoire. Publi dans le bas de la page, en caractres minuscules, le fameux numro correspond.. celui du parti de Rosales, Un Nuevo Tiempo. (23)
Dans cette valse des enqutes, on semble s'y perdre. D'autant plus que la grande majorit des media ne font tat que des enqutes favorisant Rosales. Est-il possible de dgager une moyenne pour tenter de saisir la tendance relle des lecteurs ? L'ONG V Mandamiento a calcul la moyenne des enqutes ralises par 8 instituts de sondages (24) au cours du mois d'octobre 2006 : Chavez 55.3%-Rosales 25.1%.
Cration d'un terrain propice l'action anti-dmocratique.
La publication de diverses enqutes donnant Rosales gagnant ou au coude coude avec Chavez fait parti de la stratgie de l'opposition vnzulienne et de leurs allis de Washington, Miami et Langley pour tenter de prendre le pouvoir cote que cote en ce prochain mois de dcembre. Comme nous l'avons vu prcdemment, cette mme technique fut employe lors des "rvolutions" de Washington en Europe de l'est.
Officiellement et mdiatiquement, le candidat Rosales et son staff de campagne respectent le CNE. Ils veulent aller aux lections "srs de la victoire" que leur promettent les sondages. Sur la plupart des chanes de tlvisions et des journaux, les enqutes prdisant la "victoire" sont dcortiques par de nombreux experts qui ne sont interrompus que pour passer des images des concentrations et manifestations en appui au gouverneur du Zulia. Le retrait de la candidature de Rosales au dernier moment prtextant la partialit du CNE est cart. Leopoldo Lopez, membre du Parti d'opposition Primero Justicia et maire de l'arrondissement le plus riche de Caracas l'explique ainsi : "Rosales ne se retirera pas du jeu lectoral, nous allons gagn. Nous nous exprimons clairement : celui qui va gagner ne se retire pas". (25) Les lecteurs d'opposition commencent croire en leur "future victoire". Pourquoi n'y croiraient-ils pas puisque la grande majorit des media l'annonce dj ? C'est l le but recherch. Lorsque, au soir du 3 dcembre, tombera le rsultat final qui montrera un large appui des vnzuliens leur prsident, cela crera immanquablement une frustration chez l'lecteur d'opposition. Comment pourrait gagner Chavez si les sondages le donne perdant, si les manifestations en faveur de Rosales attirent tant de monde ? Il y a peu parier que l'lecteur d'opposition se sente victime de manipulation mdiatique de la part des siens (26) . Le coupable ne pourra tre que Chavez et ses acolytes du CNE qui auront alors commis une fraude lectorale. La stratgie de l'opposition est claire. Faire croire que la victoire leur est assure, crier la fraude, et envoyer leurs partisans prendre les rues de Caracas et des grandes villes. Comme en Yougoslavie, comme en Georgie, comme en Ukraine, la mme recette
Le problme de cette stratgie est qu'elle oblige l'opposition jouer un double jeu jusqu'au dernier moment. En effet, s'ils avaient dnonc la partialit du CNE et le truquage des lections au dbut de leur campagne, personne ne se serait mobilis pour les soutenir, personne n'aurait cru la victoire puisque tout tait "pip". Cette position a dj t teste par l'opposition. Apres avoir essay de salir le processus lectoral aprs le referendum rvocatoire, les partis d'opposition n'ont eu aucun soutien lorsque deux mois plus tard ils ont convoqu leur lectorat pour les lections rgionales et municipales (27) .
Mais dans le mme temps, ils ne peuvent pas ne pas critiquer le CNE. Car si leurs partisans se mettent croire rellement en la transparence des lections, s'ils admettent les rsultats des missions d'observations internationales, alors ils admettront la victoire de Chavez.
Ce double jeu de l'opposition par rapport au CNE est bien rsum par Manuel Rosales qui "admet tre confiant dans le CNE pour qu'il promeuve la participation d'observateurs internationaux pour que ceux-ci soient tmoins de la journe lectorale du 3 dcembre" (28) mais dans le mme temps, il ajoute : "si nous dtectons une manipulation, je ne vais pas gard le silence. Je prendrai la tte des protestations" (29) .
Ce numro d'quilibriste ne pouvait durer ternellement. Le mauvais funambule risquait de plus en plus de tomber bien bas. Heureusement.
"Ne touches pas la sauce, ni aux ptes, mais jettes une feuille de laurier dans l'eau bouillante, a donne un got exquis "
Le cas Smartmatic
En fvrier 2004, le pouvoir lectoral vnzulien a choisi l'entreprise Smartmatic pour moderniser le systme de vote et passer un systme lectronique. A l'poque certains chavistes voyaient d'un trs mauvais il que l'entreprise qui gre les machines lectroniques de vote de 17 tats amricains s'installe au Venezuela. A ce moment l, chacun se rappelait la trs conteste victoire de George Bush aux lections prsidentielles de 2000. Apres la victoire de Chavez, ce fut au tour de l'opposition de mettre en doute le systme lectronique. Ils demandrent un audit des machines en septembre 2004.
En mai 2006, la lgislatrice tasunienne Carolyn Maloney demandait la Prsidence des Etats-Unis de mener une enqute pour savoir quels taient les vritables propritaires de Smartmatic. Elle ajoutait sa requte qu'il s'agissait selon elle d'une question de scurit nationale. Lorsqu'il s'agit de lutter pour la scurit nationale, on connat la rigueur des Etats-Unis. N'ont-ils pas mis mort le Nicaragua Sandiniste et envahis l'Irak pour des questions de Scurit Nationale, n'asphyxient-ils pas Cuba depuis 50 ans pour cette mme raison ? La requte de Carolyn Maloney va pourtant rester lettre morte jusqu'au 29 octobre o des membres du Comit d'Investissement Etranger des Etats-Unis prennent contact avec Smartmatic. Le dpartement du Trsor tasunien rfute l'ouverture d'une enqute officielle. Selon le New York Times, le problme porte sur le suppos contrle exerc sur Smartmatic parle gouvernement vnzulien ! (30) Bernardo Alvarez, l'ambassadeur vnzulien Washington, nia immdiatement tout lien entre Smartmatic et le gouvernement vnzulien. Il n'empche, 6 mois aprs la demande d'enqute pour des raisons de scurit nationale, cette investigation tombait pic. 18 jours avant l'lection prsidentielle vnzulienne et 8 jours avant les lections au Congrs Etasuniens. Quelle concidence !
La raction au Venezuela ne se fait pas attendre. Alors qu'il n'y a aucune enqute officielle aux Etats-Unis, que les contacts officieux entre le Comit d'Investissement Etranger et la direction de Smartmatic n'ont videment pas mis en lumire le suppos lien avec le gouvernement vnzulien, alors que la seule prise de position officielle est celle de l'ambassadeur Alvarez, les media commerciaux vnzuliens vont se dchaner. El Nuevo Pais va mme jusqu' affirmer en titre de couverture "Chavez contrle les machines lectorales jusqu'aux Etats-Unis" (31) . Dans un pays o soi-disant se meurt la libert d'expression, la diffamation est reine et s'affiche en toute impunit.
Cette calomnie arrive point nomm dans la campagne prsidentielle. Rpte mille fois par les media commerciaux et certains membres de l'opposition, elle se transformera en vrit pour ceux qui regardent le mur de la caverne o est projete Globovision.
Ds lors, certains membres de l'opposition parlent ouvertement de la fraude du 3 dcembre. Les articles d'opinions des principaux journaux du pays o s'exprime l'intelligentsia antichaviste regorgent dsormais de commentaire sur la partialit du CNE. Sur le march de la dsinformation, le mot "fraude" est en rupture de stock.
Rosales et son staff de campagne continue de prdire la victoire, " moins que le CNE"
L'appel aux Forces Armes Nationales
Sans la participation d'une minorit des Forces Armes Nationales du Venezuela (FAN), en l'occurrence une partie du haut commandement militaire, le coup d'Etat perptr le 11 avril 2002 contre le gouvernement bolivarien n'aurait mme pas dur 47 heures.
Aprs le coup d'Etat et le lock-out patronal de dcembre 2002-janvier 2003 auxquels participrent plusieurs grads, les masques sont tombs au sein des FAN. La grande majorit des lments putchistes et contre-rvolutionnaires ont t cart. Ce qui complique videment la tche de l'opposition dans sa qute du Pouvoir n'importe quel moyen.
Nanmoins, il persiste au sein de l'arme un nombre restreint de conspirateurs. Le 2 fvrier 2006, le prsident Hugo Chavez annona qu'un attach militaire des Etats-Unis, John Correa, allait tre expuls du pays pour espionnage. John Correa avait pris contact avec 25 officiers de la marine nationale qui lui livraient des informations stratgiques.
L'opposition vnzulienne connat bien cette situation et ds la proclamation de la candidature unitaire va travailler sur ce terrain. Le 19 aot 2006, lors d'une confrence de presse, Manuel Rosales demande la FAN de "garantir une transition dmocratique. Nous demandons aux militaires de maintenir leur position institutionnelle". (31) Il ajoutera : "la FAN doit se porter garante de nous remettre le pouvoir prsidentiel. Nous sommes srs que nous allons gagn". (33)
Il apparat manifeste que l'opposition cherche des appuis sa politique dstabilisatrice au sein de l'arme. Le 30 octobre 2006, lors d'un discours l'Acadmie Militaire, le prsident Chavez annona avoir les preuves qu'un officier de FAN se runit avec l'opposition. "J'ai conduit une rbellion le 4 fvrier 1992, NDT, je suis all en prison. Pas seulement moinous sommes alls en prison, sans chercher d'excuse. Je rpondrai donc avec toute la force de la loi celui qui sort des lignes constitutionnelles."
En permanence dans le double jeu lgalit/illgalit, l'opposition travers le candidat Rosales qui prserve un apparent respect pour le jeu dmocratique faisait, quelques jours plus tard, la demande d'une runion avec le Haut Commandement Militaire. Demande qui sera carte par le Ministre de la Dfense, Raul Baduel.
Le rapport de l'opposition avec la FAN est de deux nature. D'une part, elle invite lgalement ("les FAN doivent assurer une transition dmocratique") ou illgalement (runions secrtes et guerre psychologique) l'arme rejoindre ses rangs. D'autre part, et devant l'chec plus ou moins patent de cette tentative, elle cre la matrice d'opinion qui transforme la FAN en bras arme de la Rvolution et de Chavez au mpris de la Constitution. (34) L'opposition vnzulienne va mme avoir l'occasion de discrditer publiquement l'impartialit de la FAN.
Le 2 novembre eut lieu une runion du directoire de PDVSA. A l'ordre du jour, un fait plus que grave : des installations de PDVSA ont t prt au candidat Manuel Rosales, signataire du Dcret Carmona durant le coup d'Etat (35) , pour que ce dernier puisse poser son jet priv sur ces installations stratgiques. Le Ministre Rafael Ramirez tance son directoire : "qu'est-ce c'est que ce bordel ? () Vous devez comprendre que PDVSA est rouge, tout rouge" en rfrence la couleur symbolique du processus bolivarien. Cette scne sera filme et la vido remise l'opposition qui hypocritement s'offusquera et transmettra la vido au CNE et l'Organisation Internationale du Travail. Pourtant, il semble normal que l'accs des installations stratgiques soit refus une personne qui a appuy un coup d'Etat et un sabotage conomique de cette mme industrie. Une manifestation gigantesque des travailleurs de PDVSA en soutien leur Ministre sera mme organise. Chavez appuie alors Rafael Ramirez : "Ministre Ramirez, vas et rptes cent fois par jour ce que tu as dis. PDVSA est rvolutionnaire, tout comme la FAN, elles sont rouges, toutes rouges."
Malgr les communiqus de l'arme raffirmant leur service la Nation, l'opposition enclenche son double jeu en invitant les militaires servir le Venezuela, et non pas le castro-communisme de Chavez. Bref, en les invitant plus ou moins lgalement rejoindre leur rang. Dans le mme temps, les media commerciaux commencent discrditer la FAN. Dans une interview au gnral putchiste Francisco Usn (36) , la journaliste Maria Angelica Correa lui demande : "Gnral, le Venezuela qui s'oppose Chavez va aller voter le 3 dcembre avec la certitude qu'on va lui voler son vote. Je vous demande, si ce jour l, la socit civile sort dans la rue pour dnoncer la fraude, quelle sera la raction de la FAN ?" La rponse du militaire est sans ambigut : "J'espre qu'ils ragiront et ne reconnatront pas l'autorit illgitimement dclare comme lue. Je l'espre, mais je ne suis pas sr que a se passera ainsi. Ils agiront comme le bras arme de la Rvolution."(37)
Comme pour le CNE, l'opposition entretient un double discours sur les Forces Armes. Alors que Rosales maintient une relative faade dmocratique dans son rapport l'arme (comme par rapport au CNE), les media commerciaux la font dj apparatre comme la milice de Chavez. C'est--dire que si l'arme ne s'engage pas aux cot de l'opposition au soir des lections, elle ne pourra tre que l'agent excuteur d'un Etat rpressif et totalitaire.
Pour rsumer ce que nous venons de voir :
1) L'opposition une et indivisible a commenc la campagne prsidentielle sous une faade dmocratique, oprant un virage 180 de sa position sur le CNE.
2) Par la publication outrance de fausses enqutes, les partis d'opposition et leurs allis mdiatiques laissent croire leurs lecteurs que la victoire electoral est acquise, entamant une vritable guerre psychologique contre tous les vnzuliens.
3) L'opposition une et indivisible adopte un double discours. A Rosales et son quipe, la faade dmocratique et le respect relatif au CNE et aux Forces Armes, aux media commerciaux et certains partis et ONG de prparer le terrain une action anti-dmocratique en dnonant un suppose alliance entre le gouvernement bolivarien, le CNE et la FAN. Position d'autant plus confortable que n'importe quelle critique du gouvernement contre ce plan dstabilisateur se transformera immanquablement en une atteinte la libert d'expression utiliss par des journalistes ou des organisations "non" gouvernementales, supposs tre neutres et objectifs.
La recette de cette conspiration va tre bien rsum par le journaliste Rafael Poleo au cours de l'mission de tlvision Alo Ciudadano (38) : "Le 3 dcembre, le Peuple doit aller voter. Durant la nuit, le CNE rouge, tout rouge, va annoncer la victoire de Chavez quelques soient les rsultats. Le 4, Manuel RosalesOn verra d'ailleurs qui est vraiment Manuel Rosalesil doit prendre la tte des protestations de rue contre la fraude. () Il doit faire la Rvolution orange. Le 5, la Force Arme Nationale devra choisir si elle continue ou non tirer sur le peuple pour l'obliger se taire." (39) .
L'objectif est clair. Il a dj fait ses preuves dans d'autres pays. Mais Washington et l'opposition possde-t-elles les ressources humaines ncessaires pour mener bien son intention de coup d'Etat au Venezuela ?
Cap sur le 4 dcembre
Le secret ultime, c'est de saupoudrer lgrement ta sauce de sucre roux pendant qu'elle cuit.
Depuis quelques semaines, on peut remarquer aux abords de certaines universits de Caracas et dans les quartiers de la ville acquis l'opposition la marque d'un nouveau groupe. "Plan V. Dfends ton vote". Ce groupe emprunte son nom un discours du candidat Rosales. Celui-ci affirmait qu'il n'avait de plan B pour les lections mais "un plan V, V comme Venezuela, V comme Victoire" (40) . Dans une plaquette de prsentation de ses activits (41) , le groupe se prsente comme une organisation de jeunesse dont le but est la mobilisation des jeunes au cas ou "le CNE ne respecte pas leur vote". Il faut bien sr entendre si le CNE dclare Chavez gagnant. La plaquette fait la promotion de l'action non violente pour "lutter contre un rgime qui cherche lgitimer une moyenne de 6.000.000 de voix travers le contrle du systme lectoral." La fin de la plaquette de prsentation est particulirement instructive. En effet, est pos la question : "pourquoi sommes nous si srs que la non violence est notre solution ? Parce que l'Histoire a dmontr que a se pouvait." Suit alors un rsum des "victoires" acquises en Pologne, Yougoslavie, Georgie, Ukraine. Le nom de l'organisation yougoslave Otpor est mme mentionn. Une organisation de la jeunesse de ce type avait fait dfaut aux mobilisations qui suivirent la victoire de Chavez au referendum d'aot 2004. Le Venezuela a dsormais son Otpor. Le 17 novembre 2006, fut organis Caracas un grand concert rock-reggae gratuit en soutien Manuel Rosales, avec la prsence du candidat qui ne manqua pas d'arranger les nombreux jeunes prsents. Cet vnement correspond au point n36 du "manuel pour un coup d'Etat russi" de l'Albert Einstein Institution (42)
Il est intressant de souligner cette consigne prsente dans la plaquette : "aprs les lections : attendre les instructions du candidat et seulement du candidat."
Nous voyons bien ici que l'opposition est une et indivisible malgr ses diffrentes facettes. Le 4 dcembre sera l'occasion d'une grande convergence de ceux qui reste dans l'apparente lgalit et ceux qui disqualifient ouvertement les Forces Armes et le CNE. Cette opposition unifie autour de son candidat a dj son plan B, pour affronter la victoire prvisible de Chavez, comme le montre les jeunes adeptes vnzuliens d'Otpor et de l'Albert Einstein Institution.
Provenant de quatre Universits de Caracas, 70 jeunes du Plan V organisrent une manifestation, le 12 novembre 2006. Leur lieu de convergence ne fut pas choisi au hasard. La petite troupe convergea vers Fuerte Tiuna, la plus grande caserne du pays o ils scandrent aux militaires la clbre phrase de Bolivar : "Maudit soit le soldat qui tire sur son peuple".
Comme nous l'avons vu prcdemment, la direction de l'opposition cherche provoquer une rponse rpressive de la FAN pour transformer mdiatiquement au niveau national, mais surtout international, le Venezuela en une dictature militaire qui assassine ses opposants et implorer une intervention internationale lgitime par la Charte Dmocratique des Amriques qui rgit l'Organisation des Etats Amricains (OEA) dont, l'exception de Cuba, font parti tous les pays du continent, Etats-Unis inclus videment.
Cependant rien n'empche l'opposition de manifester le lendemain de l'lection comme ils l'avaient fait au lendemain du referendum. Cela n'entranera pas forcement l'image d'un Venezuela dictatorial.
Pour provoquer les services de maintient de l'ordre du Venezuela, l'opposition peut compter sur la prsence de groupuscules d'extrme droite ainsi que sur les nombreux paramilitaires colombiens infiltrs en territoire vnzulien.
Depuis mai 2004, et l'arrestation de la centaine de paramilitaires colombiens Caracas, l'infiltration de ce groupe militaro-mafieux a cru dans une proportion non ngligeable. De par leur proximit avec la Colombie (43) , les Etats frontaliers sont, videment, les plus touchs, mais certains quartiers populaires de Caracas souffrent aussi de ce flau. Si une grande partie des paramilitaires dfendent leur territoire et leur business armes au poing, d'autres restent en couverture menant une vie sociale normale, du moins en apparence. Le nombre est incertain mais jug important. Or cette organisation, la diffrence d'un simple groupe mafieux, a une idologie politique (d'extrme droite) et une grande rigueur dans son organisation militaire. On peut donc lgitimement craindre des actions violentes de leur part afin de provoquer une rpression sur la partie "pacifique et non-violente" de l'opposition, c'est--dire celle qui aura vot en pensant rellement un changement de gouvernement. C'est--dire la base de l'opposition que ses dirigeants ont tromp et qu'ils n'hsiteront pas sacrifier si cela est ncessaire dans leur qute du pouvoir.
Dans cette volont de perturber violement l'ordre publique, les paramilitaires pourraient tre second par des groupes vnzuliens d'extrme droite. Provenant de l'organisation anti-castriste base Washington New Cuba Coalition (44) , un texte circule sur Internet dirige au "Peuple Vnzulien" selon ses propres termes. Intitul "Instruction Pour la Dfense Civique" (45) , ce brlot est un manuel de gurilla urbaine anti-chaviste. Il recommande aux vnzuliens : "identifies ton voisin qui est d'accord avec la Rvolution, observe ses faits et gestes, o il travaille, o tudient ses enfants,". Pour la phase de combat, le document signale : "Vises le leader, et si tu le blesses seulement, utilises le comme une chvre en attendant que les ennemis viennent l'aider. Avec un bless, tu limineras cinq chavistes." Le document se termine par un manuel pour raliser des bombes artisanales, et dresse une liste de 19 Tupamaros (46) avec nom, date de naissance, et adresse.
L'objectif de ces groupes arms est de gnrer un climat de chaos et de rpression pour solliciter une intervention trangre. Les relais mdiatiques internationaux des entreprises de communication vnzuliennes se chargeront de faonner l'image d'un Chavez dictateur qui ne veut pas reconnatre sa dfaite, et d'un suppos Peuple vnzulien rprim se soulevant contre le rgime. Une telle description mdiatique au niveau internationale ne manquera pas de provoquer en cas d'intervention trangre, un laisser-faire dans l'opinion publique mondiale, y compris pour ceux qui ont une image plutt positive du gouvernement.
Comme en Yougoslavie, comme en Georgie, comme en Ukraine. Bien entendu, Manuel Rosales et son staff de campagne se dfendent toujours d'avoir de tels projets. (47)
Viva la arepa! (48)
Rcemment j'ai parcouru les barrios de Caracas pour faire goter mes spaghettis bolognaises en vue de mon prochain dner. Les rponses furent catgoriques : "c'est vraiment immangeable ton plat d'importation. Pour rien au monde, je ne le changerai contre une arepa".
Bien conscientes de se qui ce prpare les autorits vnzuliennes ont rappel maintes fois qu'elles ne tolreraient aucun plan dstabilisateur, et qu'elles taient prtes maintenir l'ordre constitutionnel.
Les quartiers populaires de Caracas s'organisent aussi : "s'ils nous refont le 11 avril, ils auront leur 13 !". (49) La classe ouvrire est prte lutter contre toute tentative de dstabilisation conomique : personne ne pourra empcher les machines de tourner. En raction l'appel de la New Cuba Coalition poser des bombes dans le mtro de Caracas, les 5.000 membres du syndicat des travailleurs du Mtro de Caracas, favorable au processus bolivarien, a mis en route un plan d'urgence pour s'occuper de la scurit des installations et assurer son fonctionnement. 18.000 rservistes ont t mobiliss dans tout le pays, et la FAN a rappel fermement son attachement la Constitution et son engagement faire respecter le rsultat lectoral, quelque soit le vainqueur.
Apres ma visite du barrio, j'ai t srieusement pris de doute quant la russite de mon dner du 3 dcembre. J'ai appel mon ami amricain. Chose inhabituelle, je suis tomb sur son rpondeur
Romain Migus
19/11/06
Notes :