Sergent Garcia #1

Deuxième album pour Sergent Garcia avec « un poquito quemao ». Cigale Mécanik ne rate pas l’occasion d’aller questionner Bruno, qui nous confirme l’arrêt des mythiques Ludwig ! On se rassure avec cet album à la richesse musicale transcontinentale, et à la chaleur humaine intacte.

Cigale Mecanik: Salut sergent! La dernière fois qu’on s’était croisé t’étais encore avec les Ludwig et tu présentais en fait ce projet avec Sergent Garcia, comme un album parallèle pour se faire plasir. Apparemment ça a pris pas mal d’ampleur. Est-ce que maintenant c’est une activité à plein temps ?
Bruno: Ouais, ouais, à force de se faire plaisir on y prend goût et là c’est devenu une activité à plein temps.

CM: Ca veut dire que les Ludwig… Ca existe encore ? Vous êtes un peu éclatés ? C’est en stand-by ?
Bruno: C’est un peu en stand-by. C’est un peu devenu une activité parallèle (Rires). C’est-à-dire qu’on a arrêté de faire des concerts. On continue de faire des projets, on fait une comédie musicale avec des gamins, y’a un nouveau disque qui va sortir… Ca continue mais par contre, on ne fait plus de concerts.

CM: Le premier album de Sergent Garcia sonnait assez bricolo. C’était un peu une dimension artisanale. Le deuxième, c’est plutôt la grosse industrie lourde, non ?
Bruno: Rires. Ouais, si tu veux. Le premier je l’ai fait tout seul avec des machines chez moi, donc ça a les inconvénients d’une petite prod. C’était vraiment fait pour présenter un travail, un peu de fusion entre la salsa et le reggae. Et puis du coup, j’ai voulu le jouer sur scène . J’ai monté un groupe « Los locos del barrio », on y a pris goût, on a touné pendant pratiquement un an avec une cadence assez soutenue; et on a enregistré ce disque qui est un peu une photo de ce qu’est le groupe sur scène.

CM: Le fait de mélanger le raggamuffin, la salsa, des rythmes latin, ça t’es venu comment ?
Bruno: Ca m’est venu un peu par hasard, c’est-à-dire que j’écoutais une émission de radio qui s’appelle « Salsa Mania », sur T.S.F. Le mec ça fait à peu près quatorze, quinze ans qu’il fait une émission toutes les semaines, de salsa, de musique latine, que j’écoute vachement souvent. Il demandait aux auditeurs d’envoyer des cartes postales, pour le huitième anniversaire. Moi j’me suis dit « tiens, je vais lui faire une carte postale sonore ». Et donc, j’ai samplé et j’ai fait une programmation un peu latine. J’ai samplé dans le reggae – moi je faisais du sound-system à l’époque ave Bawawa – et j’ai fait une petite tchatche, et le mec l’a passée et il m’a appelé pour me dire que ça lui plaisait et tout ça… Et du coup je me suis dit « putain, c’est pas mal, les rythmes latin et le reggae, ça peut fusionner, ça peut coller ». Et du coup, j’ai commencé à travailler dans cet esprit-là, voilà.

CM: La genèse du groupe: ça s’est passé comment la rencontre avec les autres musiciens ?
Bruno: Quand j’ai sorti ce premier disque, je me suis dit « je vais jouer sur scène », ça me paraissait un peu fade de jouer avec des machines. Moi, je trainais un peu dans les soirées cubaines de Paris, donc j’ai branché des mecs que je connaissais là-bas, et eux connaissaient d’autres musiciens, et après, bla-bla, par le bouche à oreille sur ce projet là justement de mixer salsa et reggae, ça a branché quelques personnes et on est partis comme ça.

CM: Donc aujourd’hui les gens qui t’accompagnent sur la tournée, ce sont les mêmes qui sont sur l’album ?
Bruno: Ouais à part le trombone et un des trompettistes, qui sont maintenant ceux qui sont tout le temps avec nous, sinon tous les autres, ouais.

CM: Les vieilles gloire alternatives ont une tendance fâcheuse maintenant à se recycler dans la musique latine: P18, Flor del Fango, Manu Chao… Est-ce que tu penses qu’un jour les Sheriff feront une reprise reggae d’ « A coups de batte de base-ball » ?
Bruno: Tu crois! (Rires). Je sais pas ouais, c’est pas mal. Ca pourrait être bien. Mais tu sais, on avait repris avec les Ludwig « Havana Affair » des Ramones en reggae et ça sonnait bien, alors pourquoi pas les Sheriff en reggae. En fait tout ces groupes là, on est en train de prendre un sacré coup de jeune! (Rires).

CM: Au niveau des gens que tu rencontres sur la tournée… il y a une différence fondamentale entre le public des Ludwig, et celui qui vient te voir maintenant ?
Bruno: Ouais, le public qui vient nous voir maintenant, il est plus métissé, il est un petit peu plus vieux que le public des Ludwig à la fin… Des fois c’était un peu bizarre quand tu joues et que t’as des gamins vraiment… Là ça correspond plus à ce qu’on est nous, quoi. Et peut-être un peu plus ouvert, c’est ce que je trouve bien. Bon le public des Ludwig c’était un super public, d’ailleurs y’en a pas mal qui viennent aussi… mais maintenant c’est plus large, voilà on peut dire ça.

CM: Entre le passage du premier et du deuxième album y’a aussi un changement au niveau de la maison de disques. Sur quel label tu es maintenant ?
Bruno: En fait je suis sur un label qui s’appelle Labels, qui est chez Virgin mais qui fonctionne vraiment comme un label indé, avec qui je travaille vraiment comme j’ai toujours travaillé, donc c’est ça qu’est très bien.

CM: Par rapport aux discours que tu as pu tenir ne serait-ce qu’il y a quelques années, par rapport aux majors et tout ça, le fait de se retrouver finalement dans une subdivision de Virgin, c’est pas un peu renier tout ce que t’as pu dire ?
Bruno: Non parce qu’en fait moi j’ai travaillé avec beaucoup de boîtes indés, et ça c’est pas toujours très bien passé. Le tout c’est de trouver les gens qui veulent travailler en même temps que toi, sur le même genre de projet, et en accord avec toi. Que ce soit distribué par Virgin ou par Pias, qu’est-ce que ça change ?
C’est la manière de travailler à la base qui compte, c’est de faire le projet pour que je puisse moi le maîtriser de A à Z, décider ce que je veux faire, ce que je veux pas faire, avoir le budget pour le faire… Ca c’est important de contrôler ça, c’est clair. Mais ça, je peux le faire aujourd’hui. Si j’étais arrivé y’a dix ans, peut-être que j’aurais moins de crédit que ce que j’ai aujourd’hui. Après quand on a signé avec Sergent Garcia, on avait un an de tournée derrière nous, y’avait un bon bouche à oreille, et j’étais en position de force pour dire « moi je veux ça, ça et ça, comme ça ». Donc là ça devient intéressant, dans le sens où le travail, t’arrives à faire le même que tu faisais avec un petit indé. D’ailleurs un label comme Labels c’est un label indé finalement. Quelle est la différence avec Pias, par exemple ?

CM: (Sceptique) Non mais moi, c’est par rapport aux discours que tu pouvais tenir…
Bruno: Et quels discours je tenais en fait ?

CM: Ben que finalement tu finissais toujours par te faire bouffer, que les directeurs artistiques te collaient au cul pour faire quelque chose qui se vendait plus, et que finalement tous ceux qui étaient passés de la scène alternative aux majors, au bout d’un moment ils avaient splitté dans l’anonymat, pour beaucoup..
Bruno: Ouais, ouais, peut-être. Bon, ben on va voir si c’est toujours vrai !!! (Rires). Non mais je crois que y’a une question de maturité. Quand t’arrives et que tu sais pas trop ce que tu veux faire, ce que tu veux pas faire etc… tu te fais bouffer, c’est clair. Mais si moi quand j’arrive dans une maison de disques, je sais exactement où je veux aller et où je veux pas aller, surtout, c’est ça qui compte… Après moi je leur propose un projet, et je sais dans quel studio je veux aller… Moi j’ai déjà tout préparé, c’est là la différence.

CM: Et ce que tu as fait avec ce second album, t’aurais pas pu le faire chez Crash Disques?
Bruno: Non! Sur Crash Disques… ben écoute, regarde la différence: le premier album on en a vendu 2000, 2500, là on en est à un peu plus de 30000. Y’a pas de comparaison le disque de Crash, il est très mal distribué : on le trouve pas. C’est le principal problème. Après au niveau artistique j’ai exactement fait le même travail à l’époque où j’étais chez Crash, qu’ aujourd’hui chez Virgin. C’est ça qui compte en temps que musicien.

CM: On va revenir un peu à la musique, au contenu musical, et aux textes. Maintenant que tu chantes en espagnol… Ca te pose un problème, une difficulté particulière ?
Bruno: De quoi ? De chanter en espagnol ? Non, pourquoi ?!?

CM: Ben t’es peut-être pas bilingue à la base, et t’évolues pas non plus dans un pays hispanophone…
Bruno: En fait je suis bilingue… l’espagnol c’est ma première langue. Je suis né en France, après je suis allé en Espagne, j’habitais là-bas quand j’étais petit et je suis venu en France après. Mais c’est un vieux projet que j’avais, de faire un album en espagnol. J’avais pas encore trouvé le prétexte et là ça m’a donné le prétexte, de le faire. Du coup, j’ai fait un album en espagnol. Et c’est une langue que j’aime bien.
En plus pour faire du ragga, c’est une langue qui est super bien, elle est super rythmique, elle est accentuée.. c’est parfait.

CM: Sur le deuxième album tu reprends pas mal de morceaux présents sur le 1er pourquoi ? Tu les trouvais ratés ?
Bruno: Non je les trouvais différents, pas forcément ratés non plus. Je trouvais que c’était dommage vu que le disque est pas très bien distribué d’avoir des morceaux comme Amor pa’mi, Hoy me voy, Oye mi bomba, qui sont des morceaux que j’aime beaucoup, de pas les avoir sur ce disque là.

CM: Le fait de ne plus évoluer avec une boîte à rythmes, est-ce que ça a été fondamental dans la poursuite de Sergent Garcia ?
Bruno: Rires. Ben non puisqu’au début, c’était des machines. C’est juste un autre genre de boîte à rythmes. Maintenant, j’ai des machines vivantes ! Ils sont plus difficiles à arrêter par contre. C’est plus libre aussi de jouer avec des musiciens, au niveau de ce que tu peux faire sur scène. Avec les programmations, t’es bloqué, t’es obligé de faire comme t’as programmé.

CM: Au niveau du parcours musical des zicos, ce sont des gens qui jouent depuis longtemps ?
Bruno: Ouais, ce sont des gens qui ont joué dans pas mal de groupes soit de musique africaine, soit de musique latine, de funk, de hip-hop, plein d’expériences différentes… Ce sont de super musiciens qui ont une culture musicale très forte, très importante.

CM: En fait, on a l’impression que t’avais envie de passer un peu à autre chose que des rythmes destroy. Tu l’as fait peut-être assez longtemps aussi non ?
Bruno: Ouais, c’est ça. Quand t’as fait des Ludwig pendant 15 ans, t’as envie d’autres expériences. Je crois que c’est normal. C’est comme si t’avais un peintre qui peignait avec la même boîte de pinceaux, et un jour il découvrait les feutres! (Rires).

Propos recueillis par Cigale Mécanik – le 20.04.99 – au Rex Café de Toulouse.

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